Le libertarianisme chrétien

Publié par Valentin le

Qu'est-ce que le libertarianisme chrétien ?

Une société libre exige que l’État ne s’immisce pas dans la vie des citoyens plus que nécessaire

Friedrich Hayek

Ces dernières années, le mouvement libertarien a connu un essor remarquable à l’échelle mondiale, alimenté par une méfiance grandissante des populations à l’égard des interventions étatiques, de la réduction des libertés individuelles et de la centralisation excessive du pouvoir.

Certaines voix chrétiennes se sont également jointes à ce mouvement, voyant dans le libertarianisme une résonance avec des valeurs bibliques comme la liberté individuelle et religieuse, la responsabilité personnelle et la limitation du pouvoir humain.

Cependant, cette alliance soulève des questions. Les libertés individuelles défendues par les libertariens sont-elles pleinement compatibles avec une vision biblique ? Comment concilier une méfiance envers l’État avec son rôle institué par Dieu ? Le marché libre peut-il garantir une société juste sans un encadrement moral et spirituel ?

Cet article analysera le mouvement libertarien, explorera les raisons pour lesquelles ses idées séduisent certains chrétiens et examinera les objections formulées par d’autres.

chrétien et libertarien

Table des matières

#1 Qu'est-ce que le libertarianisme ?

Le libertarianisme est une philosophie politique centrée sur la liberté individuelle, le respect de la propriété privée et un rôle minimal de l’État. Les libertariens prônent un marché libre sans intervention étatique, défendent le principe de non-agression (pas de violence ou de contrainte envers autrui) et valorisent l’autonomie personnelle dans tous les aspects de la vie. L’État, s’il existe, doit se limiter à la sécurité, la justice, et la protection des droits fondamentaux.

Le mouvement libertarien actuel s’est en partie développé au XXe siècle en réaction à l’expansion du pouvoir étatique durant l’ère moderne, marquée par une multiplication des régulations, une fiscalité lourde, une bureaucratie inefficace, une centralisation accrue et une ingérence croissante dans la vie des individus.

Cependant, l’idéal libertarien ne naît pas avec la modernité. Les principes de liberté individuelle, d’autonomie et de limitation du pouvoir central trouvent des échos bien plus anciens. Dès le Moyen Âge, l’autonomie des villes, des seigneuries, des guildes et des familles reflétaient déjà une organisation sociale fondée sur la décentralisation et la responsabilité locale, des valeurs que les libertariens défendent encore aujourd’hui.

On distingue plusieurs courants au sein du mouvement libertarien. Parmi les plus connus, on peut citer :

  • L’anarcho-capitalisme : Très populaire parmi les penseurs radicaux du libertarianisme, il prône l’élimination totale de l’État et son remplacement par des interactions purement contractuelles sur un marché libre.
  • Le minarchisme : Ce courant, souvent considéré comme le plus « pragmatique, » défend un État réduit aux fonctions régaliennes essentielles (police, armée, justice) pour garantir la sécurité tout en maximisant la liberté économique et individuelle.
  • Le libertarianisme classique : C’est la base historique du mouvement libertarien, qui défend un État minimaliste se limitant à la protection des droits naturels (vie, liberté, propriété) et un marché libre. Contrairement au mouvement minarchiste, il peut tolérer certaines interventions de l’État dans des domaines spécifiques, comme les infrastructures publiques (routes, écoles) ou des réglementations légères, si elles sont jugées nécessaires pour garantir le bon fonctionnement de la société et du marché.
Le libéralisme classique et trois de ses fondateurs : Adam Smith, Immanuel Kant et John Locke
Le libéralisme classique et trois de ses fondateurs : Adam Smith, Immanuel Kant et John Locke

#2 Pourquoi les idées libertariennes séduisent-elles les chrétiens ?

Certaines idées libertariennes trouvent un écho particulier chez certains chrétiens. Voici sept raisons qui expliquent cette convergence.

Raison #1 : la mise en avant de la responsabilité personnelle et de la liberté morale

Ainsi donc, chacun de nous rendra compte à Dieu pour lui-même.

Romains 14 : 12

Les principes bibliques de responsabilité personnelle et de liberté morale trouvent un écho dans les valeurs libertariennes, qui mettent l’accent sur l’autonomie individuelle et la limitation de la coercition extérieure.

Ces valeurs s’articulent autour de l’idée que chacun est libre de ses choix (Deutéronome 30 : 19-20 ; Galates 5 : 1) mais également responsable des conséquences de ses actes (Genèse 2 :16-17 ; Galates 6 : 7), à la fois dans la sphère spirituelle et sociale. La Bible souligne également l’importance de subvenir à ses propres besoins, comme en témoignent 2 Thessaloniciens 3 : 10 : « Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus. »

Raison #2 : Opposition au contrôle excessif de l’État

Samuel rapporta toutes les paroles de l’Eternel au peuple qui lui demandait un roi. Il dit: «Voici quels seront les droits du roi qui régnera sur vous. ( …) Il prendra la meilleure partie de vos champs, de vos vignes et de vos oliviers et la donnera à ses serviteurs. Il prendra la dîme du produit de vos champs et de vos vignes et la donnera à ses serviteurs. Il prendra vos esclaves et vos servantes, vos meilleurs boeufs et vos ânes et se servira d’eux pour ses travaux. Il prendra la dîme de vos troupeaux et vous serez vous-mêmes ses esclaves. Alors vous crierez contre votre roi, celui que vous vous serez choisi, mais l’Eternel ne vous exaucera pas.»

1 Samuel 10-18

Le gouvernement n’est pas mauvais en soi, car la Bible nous appelle à lui obéir. (Romains 13 : 1-7, 1 Pierre 2 : 13, Tite 3 : 1). Néanmoins, il reste composé d’individus pécheurs, et peut parfois devenir excessif comme en témoignent les récits d’abus des rois d’Israël (1 Samuel 8:10-18).

En ce qui concerne son rôle, la Bible soutient que la fonction du gouvernement est de protéger et de punir (Romains 13 : 3–7, Pierre 2 : 13–14). Rien n’indique qu’il doive intervenir dans l’économie, l’éducation, la santé, l’industrie ou encore l’aide aux plus démunis. Beaucoup de ces responsabilités sont d’ailleurs imputées à l’individu, à la famille ou à l’Église.

Ce passage reflète la vision libertarienne minarchiste en restreignant le rôle du gouvernement aux fonctions régaliennes essentielles : assurer la sécurité, rendre la justice et défendre la nation.

Raison #3 : Le respect de la propriété privée

Si un homme vole un bœuf ou un mouton, et qu’il abatte ou vende la bête, il fournira en compensation cinq têtes de gros bétail pour un bœuf ou quatre têtes de petit bétail pour un mouton.

Exode 21 : 37

Le respect de la propriété privée, un pilier central de la pensée libertarienne, trouve également sa source dans les enseignements bibliques. Les Dix Commandements incluent l’interdiction de voler (Exode 20 : 15) et de convoiter ce qui appartient à autrui (Exode 20 : 17), soulignant ainsi l’importance de protéger les biens individuels. La loi mosaïque établit des règles claires sur la restitution des biens volés ou endommagés (Exode 22 : 1-4), ce qui reflète un système de justice fondé sur la préservation de la propriété privée.

Cette insistance sur la restitution plutôt que sur une simple sanction punitive illustre une approche où le coupable répare le tort causé, rétablissant ainsi l’ordre et la confiance au sein de la communauté. Ce principe s’inscrit dans une vision où la propriété privée est non seulement un droit, mais aussi une responsabilité. En protégeant les biens de chacun, la loi divine encourage la diligence, le travail honnête et le respect mutuel.

D’un point de vue économique, ces principes législatifs favorisent un environnement où les individus peuvent investir, produire et échanger librement, sans craindre l’arbitraire ou la spoliation. Cette approche résonne avec les principes du libre marché et de la responsabilité personnelle prônés par la pensée libertarienne. Ainsi, la protection de la propriété privée dans la Bible ne se limite pas à un simple cadre légal, mais contribue à la stabilité sociale et à l’épanouissement économique.

Article à lire : le chrétien et la propriété privée

Raison #4 : Une charité volontaire plutôt qu’une contrainte fiscale

S’il y a chez toi quelque pauvre d’entre tes frères, dans l’une de tes portes, dans le pays que l’Éternel, ton Dieu, te donne, tu n’endurciras pas ton cœur et tu ne fermeras pas ta main devant ton frère pauvre. Mais tu lui ouvriras ta main, et tu lui prêteras de quoi pourvoir à ses besoins.

Deutéronome 15:7-8

La pensée libertarienne valorise la charité volontaire, considérant que l’aide aux plus démunis est plus efficace lorsqu’elle découle d’un choix libre plutôt que d’une contrainte fiscale. Les principes bibliques soutiennent cette idée, encourageant un don joyeux et volontaire (2 Corinthiens 9:7) et une responsabilité individuelle envers les nécessiteux (Luc 10:30-37).

En revanche, les systèmes de redistribution imposés par l’État sont souvent inefficaces en raison des lourdeurs administratives et de la bureaucratie, qui absorbent les ressources avant qu’elles n’atteignent les bénéficiaires. De plus, ces systèmes peuvent créer une dépendance plutôt que de promouvoir l’autonomie.

Ainsi, la charité directe favorise des relations de proximité, une aide ciblée et un véritable impact, tout en respectant la liberté et la dignité des individus.

Article à lire : Quand aider les pauvres devient néfaste

Raison #5 : Le rejet de toute violence illégitime

L’Éternel sonde le juste ; il hait le méchant et celui qui aime la violence.

Psaume 11:5

Le rejet de la violence ou de la coercition non défensive, pilier du libertarianisme, s’aligne avec les enseignements bibliques sur la paix et la justice. La Bible condamne l’usage injuste de la force, que ce soit à titre individuel ou institutionnel, et promeut le respect des autres dans leurs choix et leur liberté (Matthieu 7 : 12 ; Romains 12 : 18).

Dans ce cadre, l’État doit respecter ces principes, limitant son rôle à la protection des droits fondamentaux comme la vie, la liberté et la propriété. Toute forme de coercition injustifiée est perçue comme une violation de ces droits fondamentaux.

Raison #6 : Le principe de subsidiarité, ou la priorité des structures locales sur l’administration centrale.

Le principe de subsidiarité considère que la résolution des problèmes économiques ou sociaux revient au plus petit niveau d’autorité compétente. Plutôt que de rechercher des solutions au plus haut sommet de l’État, la subsidiarité stipule que les entités les plus proches du problème ont une meilleure compréhension de la situation et des personnes concernées.

Ainsi, un maximum de responsabilités est donné à l’individu. S’il ne peut résoudre le problème par lui-même, c’est alors à la sphère familiale d’intervenir. Si cette dernière est elle aussi inapte, la responsabilité revient alors à l’église locale ou à la communauté.

Ce n’est qu’une fois que toutes ces entités « privées » ont été disqualifiées que le problème se déplacera vers les autorités gouvernementales, toujours en gardant le niveau le plus local possible (ville > département > région > pays). Il vise à préserver la liberté, l’autonomie, la responsabilité individuelle et l’efficacité en limitant la centralisation excessive du pouvoir.

La Bible met en avant les institutions locales comme premières responsables du bien-être et de l’ordre social. Par exemple, la famille est présentée comme le cadre principal pour l’éducation et la responsabilité (Deutéronome 6:6-7 ; Éphésiens 6:4). De même, l’Église locale est appelée à jouer un rôle central dans la vie spirituelle et sociale des croyants (Actes 2:42-47).

Quant à vous, pères, n’irritez pas vos enfants mais élevez-les en leur donnant une éducation et des avertissements qui viennent du Seigneur.

Ephésiens 6 : 4

Raison #7 : Des convergences sur des domaines particuliers : Liberté religieuse, liberté scolaire défense de la vie, liberté d’expression.

Les valeurs libertariennes rejoignent les principes chrétiens dans plusieurs combats clés, notamment la liberté religieuse, la liberté scolaire (comme l’école à la maison), la défense de la vie et la liberté d’expression. Ces convergences reflètent une vision commune où les droits fondamentaux, la dignité humaine et la protection des libertés individuelles sont au cœur de l’engagement moral et politique.

Certains libertariens s’opposent à l’avortement en se basant sur le principe de non-agression, qui rejette toute forme de violence initiée contre un individu innocent. Ce principe les conduit à considérer que la vie humaine doit être protégée dès sa conception, car aucune action ne devrait porter atteinte au droit fondamental d’exister.

#3 Les objections chrétiennes au libertarianisme

Bien que le libertarianisme partage certains principes avec la pensée chrétienne, il suscite aussi des réserves parmi les croyants. Plusieurs objections légitimes sont régulièrement soulevées. En voici quelques-unes :

Objection #1 : Un individualisme excessif qui néglige les responsabilités envers la famille, l’Église et la société.


Certains chrétiens reprochent aux libertariens modernes de privilégier l’individu au détriment du rôle central de la communauté, de la famille et de l’Église dans la préservation de l’ordre social. Selon eux, une société axée uniquement sur l’autonomie personnelle risque d’affaiblir les structures d’autorité légitimes établies par Dieu.

Les libertariens répondraient à cette objection en affirmant qu’ils ne rejettent ni la communauté, ni la famille, ni l’Église, mais estiment que ces structures doivent reposer sur l’adhésion volontaire plutôt que sur une imposition coercitive de l’État.

Objection #2 :  Un rôle insuffisant de l’État pour promouvoir la loi de Dieu

Les chrétiens libertariens considèrent que, même si certaines lois civiles autorisent des pratiques contraires aux principes bibliques, la moralité ne doit pas être imposée par la contrainte de l’État, mais encouragée par la transformation des cœurs et l’action de l’Église.

Ainsi, des comportements jugés moralement répréhensibles, comme la consommation de drogues, la prostitution ou le mariage homosexuel, devraient, selon eux, demeurer légaux au nom du respect de la liberté individuelle, tant qu’ils ne portent pas atteinte aux droits ou à la propriété d’autrui.

Objection #3 : Un manque d’engagement pour la transformation culturelle

Dieu les bénit et leur dit : « Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la. Soyez les maîtres des poissons de la mer, des oiseaux du ciel, et de tous les animaux qui vont et viennent sur la terre. »

Genèse 1 : 28

Le mandat culturel, tiré de Genèse 1, appelle l’humanité à régner sur la terre, à la soumettre et à développer la civilisation. Il encourage ainsi les croyants à influencer positivement tous les domaines de la société – agriculture, art, politique, économie, éducation – par l’innovation, la créativité et l’engagement, afin d’honorer Dieu.

Les libertariens sont moins enclins à cet engagement culturel car ils privilégient l’autonomie individuelle et rejettent l’idée d’imposer des normes culturelles ou religieuses par l’État. Ils considèrent que la transformation de la société doit venir d’initiatives personnelles et volontaires, plutôt que d’un effort collectif systématique encadré par des institutions.

Conclusion

Le libertarianisme chrétien est une approche qui cherche à concilier la foi chrétienne et le principe de liberté individuelle, tout en s’appuyant sur les enseignements bibliques concernant la responsabilité personnelle, la justice et la non-coercition.

À titre personnel, je suis favorable aux idées libertariennes, convaincu qu’il est essentiel de limiter le rôle de l’État au strict minimum, en se concentrant sur ses fonctions régaliennes : la sécurité, la justice et la défense.

Cependant, je diffère sur un point important : l’État devrait être imprégné de principes chrétiens et promouvoir activement les valeurs chrétiennes dans la société, en accord avec la perspective historique des deux Royaumes.

Si ce mouvement vous intéresse, je vous encourage à visiter le site du Libertarian Christian Institute, le mouvement chrétien libertarien américain.

Chrétien et libertarien

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