Le chrétien et la propriété privée
Publié par Valentin le
Le chrétien et la propriété privée
Dans un monde où les débats sur la répartition des richesses et les droits individuels sont au cœur des préoccupations sociétales, la question de la propriété privée soulève de nombreuses controverses.
Certains l’accusent de favoriser les inégalités et de perpétuer un système où une minorité monopolise l’essentiel des ressources. D’autres, en revanche, considèrent la propriété privée comme un pilier fondamental des libertés individuelles et un moteur essentiel du progrès économique.
Cependant, au-delà de ces perspectives divergentes, quelle position adopter en tant que chrétien vis-à-vis de la propriété privée ? Que révèle la Bible à ce sujet ? Constitue-t-elle une force positive ou négative pour la société ?
Cet article se penchera sur la définition de la propriété privée, explorera ensuite la perspective biblique sur la question, puis étudiera son rôle potentiel dans le succès de l’Occident.
Table des matières
#1 Définir la notion de propriété privée
La propriété privée désigne le droit d’un individu ou d’une entité à posséder, utiliser et gérer un bien de manière exclusive, dans les limites du cadre légal. Le propriétaire jouit d’une autorité légale complète sur ses biens, pouvant les exploiter à sa guise, à des fins personnelles ou professionnelles.
Perçue comme un droit naturel, la propriété privée souligne l’aptitude innée de chaque individu à posséder des biens. Elle suggère que cette capacité est inhérente à l’humain, existant avant toute loi ou institution établie. Elle offre donc une protection contre les interventions injustifiées, qu’elles émanent de l’État ou d’autres acteurs.
Le libéralisme économique considère la propriété privée comme un levier de la richesse collective. Selon cette idéologie, la préservation de ce droit est cruciale pour le maintien d’une société libre et prospère.
En opposition, des idéologies telles que le socialisme ou le communisme prônent une propriété collective. Pour Karl Marx, la propriété privée est une source potentielle d’inégalités.
#2 La propriété privée dans la Bible
Bien que la défense explicite de la propriété privée ne soit pas prédominante dans les Écritures, divers passages semblent pencher favorablement vers ce concept. Cette section explorera les perspectives bibliques sur la propriété privée en abordant l’intendance ainsi que divers textes de l’Ancien et du Nouveau Testament qui y font référence.
A) L’intendance biblique
La compréhension de l’intendance biblique est cruciale pour saisir la notion de propriété privée d’un point de vue chrétien. Cette doctrine éclaire la relation entre l’homme, ses possessions et Dieu, en se basant sur trois principes fondamentaux.
Principe #1 : Dieu est le Propriétaire Suprême
La Bible affirme que Dieu règne en maître sur la terre et ses richesses, qu’il s’agisse des mers, des montagnes, de la faune, de la flore, des êtres humains ou des biens matériels. Tout est sous Sa juridiction divine.
Toute la terre m’appartient
Exode 19:5
C’est afin que tu saches que la terre appartient à l’Eternel.
Exode 9:29
(…) La terre et ce qu’elle contient sont au SEIGNEUR, le monde et ceux qui y habitent.
Psaume 24:1
Principe #2 : L’Homme est un intendant
Comme Dieu est le propriétaire de toute chose, l’homme est un simple intendant. Un intendant est celui à qui l’on confie la gestion de ressources sans en être le propriétaire. Il n’a pas une liberté d’action absolue, mais doit agir conformément aux intérêts du véritable propriétaire.
Le chrétien est alors appelé à mettre ses ressources, possessions et talents au service de Dieu, en d’autres termes, pour l’avancement de Son royaume. De nombreux versets et paraboles, tels que la parabole des talents ou celle de l’économe infidèle, encouragent les croyants à être des gestionnaires loyaux et fidèles.
Celui qui est fidèle dans les petites choses l’est aussi dans les grandes, et celui qui est malhonnête dans les petites choses l’est aussi dans les grandes. Si donc vous n’avez pas été fidèles dans les richesses injustes, qui vous confiera les biens véritables ? Et si vous n’avez pas été fidèles dans ce qui est à autrui, qui vous donnera ce qui est à vous ?
Luc 16 : 10-12
Ainsi, qu’on nous considère comme des serviteurs de Christ et des administrateurs des mystères de Dieu. Du reste, ce qu’on demande des administrateurs, c’est que chacun soit trouvé fidèle.
1 Corinthiens 4 : 1-2
Comme de bons intendants des diverses grâces de Dieu, mettez chacun au service des autres le don que vous avez reçu.
1 Pierre 4 : 10
Principe #3 : Les bons gestionnaires seront récompensés
La Bible souligne que la gestion des possessions ici-bas aura des conséquences éternelles. La parabole des talents met en lumière cette responsabilité : les intendants fidèles et compétents seront gratifiés dans le Royaume céleste, tandis que les autres seront sanctionnés.
Celui qui avait reçu les cinq sacs d’argent s’approcha, en apporta cinq autres et dit : ‘Seigneur, tu m’as remis cinq sacs d’argent. En voici cinq autres que j’ai gagnés.’ Son maître lui dit: ‘C’est bien, bon et fidèle serviteur; tu as été fidèle en peu de chose, je te confierai beaucoup. Viens partager la joie de ton maître.
Matthieu 25 : 20-21
Au lieu de privilégier uniquement les richesses terrestres passagères, le croyant est incité à travailler pour l’œuvre de Dieu sur Terre, ce qui lui permettra indirectement d’accumuler des « trésors » célestes.
Ne vous amassez pas des trésors sur la terre, où les mites et la rouille détruisent et où les voleurs percent les murs pour voler, mais amassez-vous des trésors dans le ciel, où les mites et la rouille ne détruisent pas et où les voleurs ne peuvent pas percer les murs ni voler !
Matthieu 6:19-21
En somme, bien que l’homme soit en droit de jouir de ses biens, il doit constamment se rappeler que le véritable propriétaire est le Seigneur. Son rôle est celui d’un intendant temporaire, appelé à employer ses ressources pour la gloire du Royaume céleste.
B) La propriété privée dans l’Ancien Testament
L’Ancien Testament reconnaît et protège la propriété privée, soulignant son importance dans les traditions et les lois hébraïques. Ces règles, ancrées dans la moralité et la loi civile, avaient pour but d’assurer l’équité et de limiter les excès. Cette partie explorera les divers mentions directes ou indirectes de ce principe dans l’ancienne Alliance.
Mention #1 : Le Décalogue
Le Décalogue confirme la valorisation de la propriété privée, en particulier à travers les huitième et dixième commandements.
- Le 8e commandement
Tu ne commettras pas de vol.
Exode 20 : 15
Ce commandement établit un cadre moral qui protège la possession d’autrui, impliquant la reconnaissance et la sauvegarde des droits de propriété. L’interdit du vol sert de fondement éthique à la préservation des biens personnels.
- Le 10e commandement :
Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain ; tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, ni son esclave, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni quoi que ce soit qui lui appartienne.
Exode 20 : 17
Ce commandement va au-delà de la simple protection matérielle en décourageant la convoitise des biens d’autrui, reconnaissant et légitimant ainsi la propriété individuelle.
Mention #2 : Le Jubilé
Vous ferez de cette cinquantième année une année sainte, vous proclamerez la liberté dans le pays pour tous ses habitants. Ce sera pour vous le jubilé : chacun de vous retournera dans sa propriété et dans son clan.
Lévitique 25 : 10
Le Jubilé, décrit dans le Lévitique, était une tradition quinquagénaire au cours de laquelle les champs n’étaient pas cultivés, les dettes étaient effacées, les esclaves étaient affranchis, et surtout les terres étaient rendues à leurs propriétaires originels.
Cette tradition s’appuyait sur la distribution des territoires aux tribus israélites établie à leur arrivée en Canaan, consignée dans le livre de Josué. Ces terres, devenues patrimoines familiaux, étaient préservées par le jubilé qui garantissait leur retour aux familles, malgré les ventes ou les cessions éventuelles.
Le jubilé était donc un mécanisme divin qui non seulement réitérait le principe de la propriété privée mais aussi préservait ce droit en assurant une répartition équilibrée des terres, contribuant à la stabilité et à l’équilibre sociaux et économiques sur le long terme.
Mention #3 : L’héritage et l’acquisition de biens par le travail.
Dans le Deutéronome, il est stipulé qu’un père doit respecter l’ordre de naissance lorsqu’il distribue son patrimoine à ses fils, ne favorisant pas l’enfant d’une épouse préférée au détriment du premier-né.
Quand il partagera son bien entre ses fils, il ne pourra pas reconnaître comme premier-né le fils de celle qu’il aime à la place du fils de celle qu’il n’aime pas et qui est vraiment l’aîné.
Deutéronome 21 : 16
Ce passage met en évidence la nécessité d’une distribution juste des biens familiaux, reflétant la reconnaissance de la propriété privée.
La Bible définit également le travail comme un moyen juste d’acquérir des biens. Des versets tels que Proverbes 14 : 23 et Proverbes 10 : 4 insistent sur le fait que les diligents seront récompensés pour leurs efforts. De plus, dans Lévitique 19 : 13, il est souligné que le salaire du travailleur ne doit pas être retenu. Ces passages renforcent l’idée que le travail est un moyen légitime d’acquisition de propriété.
Qui peut trouver une femme vertueuse ? Elle a bien plus de valeur que les perles. (…) Elle pense à un champ, et elle l’acquiert. Du fruit de son travail elle plante une vigne
Proverbes 31 :10-16
Mention #4 : Les bornes et le respect des limites territoriales
Tu ne reculeras pas les bornes de ton prochain, celles qu’ont posées tes ancêtres, dans l’héritage que tu auras au pays dont l’Eternel, ton Dieu, te donne la possession.
Deutéronome 19 : 14
L’interdiction de déplacer les « bornes » ou « pierres limites » dans la Bible souligne encore une fois l’importance et la sacralité de la propriété privée. Ces marqueurs physiques, souvent en pierre, établis dans l’Ancien Testament, servaient à définir clairement les limites d’une propriété ou d’un terrain. Leur présence avait une importance capitale car ils cristallisaient les droits de propriété, prévenant ainsi les litiges et les conflits territoriaux entre voisins.
Le verset Deutéronome 19 : 14, en interdisant catégoriquement le déplacement de ces bornes, met en avant le droit inaliénable à la possession. D’autres versets, tels que Proverbes 22 : 28 et 23 : 10, viennent renforcer cette notion, accentuant la valeur du respect des biens et des frontières.
Ces commandements, loin d’être de simples directives foncières, expriment une véritable reconnaissance du principe de la propriété individuelle, et établissent les fondements de l’ordre, de la justice et du respect mutuel au sein de la collectivité, témoignant ainsi du respect profond accordé par les Écritures à la possession personnelle.
Mention #5 : Le refus de Naboth
Mais Naboth répondit à Achab : «Que l’Eternel me garde de te donner l’héritage de mes ancêtres!
1 Rois 21 : 3
Dans le Premier livre des Rois, Naboth refuse de vendre sa vigne attenante au palais d’Achab, malgré une offre généreuse de ce dernier. Il invoque le caractère sacré de l’héritage familial, une terre qui ne pourrait être vendue. Son déclin obstiné déclenche une série d’événements tragiques, conduisant à son assassinat sur la base de fausses accusations.
L’issue de cette histoire est un avertissement cinglant : la transgression des lois divines, même par un souverain, ne reste pas sans répercussions. La rétribution céleste qui s’abat sur Achab et Jézabel réaffirme la sévérité avec laquelle sont traitées les violations des droits de propriété.
Ce récit biblique illustre la reconnaissance et la protection de la propriété individuelle chez les Hébreux, indéfectibles malgré la pression de l’autorité royale.
Mention #6 : Les récompenses et châtiments divins dans le Deutéronome
Le chapitre 28 du Deutéronome détaille les récompenses pour l’adhésion aux lois divines, ainsi que les châtiments en cas de manquement. L’obéissance engendrerait une abondance de bienfaits, concrétisés par des récoltes prospères et la multiplication des troupeaux.
Tu seras béni dans la ville et dans les champs. Tes enfants, le produit de ton sol, les portées de tes troupeaux, de ton gros et de ton petit bétail, tout cela sera béni.
Deutéronome 28 3-4
À l’inverse, l’infidélité aux commandements est associée à de graves pertes, affectant non seulement la prospérité mais également la jouissance des biens.
Tu auras une fiancée, et un autre homme couchera avec elle ; tu bâtiras une maison, et tu ne l’habiteras pas; tu planteras une vigne, et tu n’en jouiras pas.
Deutéronome 28 : 30
Ce texte illustre non seulement l’importance de la propriété privée mais aussi son usage comme baromètre de la relation entre le peuple d’Israël et le Créateur. La propriété et sa perte sont utilisées comme des indicateurs visibles de la bénédiction ou de la malédiction divines.
C) La propriété privée dans le Nouveau Testament
Le Nouveau Testament aborde la propriété privée sous un angle moral et spirituel, contrastant avec l’approche plus réglementaire de l’Ancien Testament. Il met l’accent sur la générosité, le partage et le détachement des biens matériels, reflétant les enseignements de Jésus et des apôtres. Cette section explore comment ces concepts sont traités, directement ou indirectement, dans le Nouveau Testament.
Avant propos: Pourquoi le Nouveau Testament aborde-t-il moins fréquemment la notion de propriété privée ?
Dans le Nouveau Testament, les mentions de la propriété privée sont moins explicites. Cette distinction découle principalement de la nature des enseignements qu’il contient.
Dans l’Ancien Testament, on retrouve trois catégories majeures de lois : morales, cérémonielles et civiles. Ces lois civiles avaient pour but d’organiser la société Israélite. Elles établissaient des directives précises concernant la propriété privée, illustrées par des règlements tels que la restitution des terres lors du Jubilé, l’intégrité des limites territoriales, et les règles successorales.
À l’inverse, le Nouveau Testament se concentre davantage sur la dimension morale, mettant en arrière-plan les préceptes cérémoniels et civils de l’Ancien Testament. Il envisage la possession matérielle sous un prisme éthique et personnel, valorisant l’approche de l’individu vis-à-vis de ses biens et de leur utilisation. Il est donc normal que la notion juridique de propriété privée soit moins présente.
Plutôt que de dicter des réglementations précises sur la propriété, les textes néotestamentaires encouragent l’utilisation des ressources pour honorer Dieu et aider autrui. La parabole du riche insensé, rapportée dans Luc 12 : 13-21, et les recommandations de Paul sur le contentement, exprimées dans Philippiens 4 : 11-12, illustrent cette perspective morale sur la propriété.
Mention #1 : Jésus et la propriété privée
En mentionnant les commandements, notamment « Tu ne voleras point » (Marc 10 : 19; Luc 18:20), Jésus souligne l’importance du respect de la propriété privée, suggérant implicitement qu’un individu a le droit de détenir des biens sans risquer de les voir injustement soustraits.
Tu connais les commandements : Tu ne commettras pas d’adultère ; tu ne commettras pas de meurtre; tu ne commettras pas de vol; tu ne porteras pas de faux témoignage ; tu ne feras de tort à personne; honore ton père et ta mère.
Marc 10 : 19
Par ailleurs, diverses paraboles traitent indirectement de la propriété privée. Même si elles ne visent pas principalement à en défendre le principe, elles démontrent l’importance d’une gestion honnête et responsable des biens.
La parabole des talents (Matthieu 25 : 14-30) décrit des serviteurs récompensés ou sanctionnés suivant la manière dont ils ont administré les biens qui leur étaient confiés. D’autres récits, comme celui des vignerons infidèles (Matthieu 21 : 33-41) et de l’économe inique (Luc 16:1-13), mettent en exergue les effets néfastes de la trahison de confiance et de la malhonnêteté.
Mention #2 : La propriété privée dans les Épitres
Les lettres du Nouveau Testament abordent également sous divers angles la notion de propriété privée.
Elles prônent avant tout la générosité et le partage altruiste des ressources, reconnaissant ainsi la détention de biens personnels. Par exemple, 2 Corinthiens 9 : 7 exhorte à donner généreusement et de gaieté de cœur.
Que chacun donne comme il l’a décidé dans son cœur, sans regret ni contrainte, car Dieu aime celui qui donne avec joie.
2 Corinthiens 9 : 7
De plus, ces écritures réprouvent le vol, soulignant ainsi le respect dû aux biens d’autrui, comme le stipule Ephésiens 4:28.
Que celui qui volait cesse de voler ; qu’il se donne plutôt la peine de travailler honnêtement de ses [propres] mains pour avoir de quoi donner à celui qui est dans le besoin.
Ephésiens 4 : 28
En définitive, bien que l’accent soit mis sur l’évitement de la cupidité et sur un partage équitable des ressources, l’existence de biens individuels est reconnue dans les Épîtres, qui promeuvent le travail diligent, une gestion prudente des ressources et la bienveillance envers autrui.
Mention #3 : Ananias et Saphira
L’histoire d’Ananias et Saphira, racontée dans le cinquième chapitre des Actes des Apôtres, illustre une leçon sévère sur l’honnêteté au sein de la communauté chrétienne primitive. Ce couple de la congrégation de Jérusalem a vendu un bien immobilier, mais a choisi de dissimuler une partie du prix obtenu.
Lorsqu’ils présentèrent une somme aux apôtres en affirmant qu’elle représentait la totalité des gains, Pierre, inspiré par le Saint-Esprit, les interrogea individuellement sur cette dissimulation. Leur subterfuge les a menés à une mort prématurée.
Pierre lui dit : «Ananias, pourquoi Satan a-t-il rempli ton cœur, au point que tu aies menti au Saint-Esprit et gardé une partie du prix du champ? S’il n’avait pas été vendu, ne te restait-il pas ? Et, après l’avoir vendu, n’avais-tu pas le droit de disposer du prix ? Comment as-tu pu former dans ton cœur un projet pareil ? Ce n’est pas à des hommes que tu as menti, mais à Dieu.»
Actes 5 : 3-4
Cet événement met en exergue le concept de propriété privée : Pierre confirme que le terrain appartenait pleinement au couple avant la transaction, soulignant leur droit inaliénable à la propriété. Il note également qu’ils avaient toute latitude dans la gestion des fonds issus de la vente, ce qui reflète la liberté individuelle dans la gestion des biens personnels.
L’enseignement central ici concerne la gravité de leur mensonge, non pas la propriété ou l’utilisation de leurs ressources, indiquant que la faute grave était la dissimulation, et non l’exercice de leurs droits de propriété.
D) Collectivisme : De l'Éden à l'Église de Jérusalem
Bien que la Bible défende souvent la notion de propriété privée, elle comporte également des textes qui évoquent des idées collectivistes. Le Jardin d’Éden et la communauté de l’Église primitive de Jérusalem sont des exemples où la propriété personnelle semble moins marquée. Ces récits contredisent-ils le concept de possession individuelle ?
Le jardin d’Eden
L’Eternel Dieu planta un jardin en Eden, du côté de l’est, et il y mit l’homme qu’il avait façonné. L’Eternel Dieu fit pousser du sol des arbres de toute sorte, agréables à voir et porteurs de fruits bons à manger. Il fit pousser l’arbre de la vie au milieu du jardin, ainsi que l’arbre de la connaissance du bien et du mal.
Genèse 2 : 8-9
Le Jardin d’Éden est présenté comme un lieu idyllique, dépourvu de la nécessité de posséder des biens privés. En effet, la Genèse décrit une profusion de ressources naturelles disponibles et partagées, où l’homme et les animaux coexistaient dans une parfaite harmonie et la propriété individuelle paraissait être une notion étrangère.
D’après Augustin et plusieurs Pères de l’Église, l’existence de ce collectivisme résidait dans le fait qu’à l’époque d’Eden, des péchés tels que l’avarice, l’envie et le vol étaient inexistants. Ils soutenaient que cette pureté originelle permettait une répartition naturelle et harmonieuse des ressources, sans la nécessité de revendiquer la possession individuelle.
Toutefois, avec la Chute de l’homme et l’apparition du péché dans le monde, cette harmonie fut perturbée. En conséquence, des concepts tels que la propriété privée, le gouvernement et même l’esclavage ont été introduits. Ils soutenaient que l’émergence de ces institutions était indispensable pour contrôler les dérives humaines et maintenir l’ordre, agissant ainsi comme des garde-fous contre les tendances pécheresses de l’humanité.
Église de Jérusalem
L’Église primitive de Jérusalem, telle que décrite dans les Actes des Apôtres, présente un cas intéressant lorsqu’on la considère dans le contexte de la propriété privée et du christianisme. Dans Actes 2 à 5, il est dit que les croyants de l’Église de Jérusalem mettaient en commun toutes leurs possessions.
Tous ceux qui croyaient étaient ensemble et ils avaient tout en commun. Ils vendaient leurs propriétés et leurs biens et ils en partageaient le produit entre tous, en fonction des besoins
Actes 2 : 44-45
Cependant, ce mode de fonctionnement ne doit pas être confondue avec un modèle socialiste où la propriété privée était inexistante.
La pratique du partage des biens au sein de l’Église primitive de Jérusalem était caractérisée par son aspect volontaire. Contrairement aux idéologies marxistes où la collectivisation est souvent forcée, les membres de l’Église de Jérusalem choisissaient librement de mettre leurs ressources en commun, sans coercition ni confiscation par un pouvoir central.
L’histoire d’Ananias et Saphira (Actes 5 : 1-11) illustre bien cette dynamique. Le couple fut puni non pour avoir gardé une partie du prix de la vente de leur propriété, mais pour avoir menti à la communauté. Cela montre que la propriété privée n’était pas abolie et que la disposition des biens restait un choix individuel.
Il convient de noter que cette expérience communautaire n’était pas une norme pour toutes les communautés chrétiennes. Les écrits de Paul ne prônent pas une telle mise en commun des ressources. L’expérience de l’Église de Jérusalem semble être une réponse spécifique à ses défis contemporains, comme la persécution et la marginalisation, plutôt qu’un modèle à suivre pour le christianisme dans son ensemble.
E) La propriété privée existera-t-elle au ciel ?
Et moi, je vous dis: Faites-vous des amis avec les richesses injustes, afin qu’ils vous accueillent dans les habitations éternelles lorsqu’elles viendront à vous manquer.
Luc 16 : 9
Bien que la nature précise du ciel et des événements qui s’y déroulent demeurent énigmatiques, un certain degré de propriété privée n’est pas à exclure. En effet, la Bible semble évoquer l’existence de possessions individuelles célestes dans plusieurs passages.
Dans son ouvrage « Heaven », Randy Alcorn avance l’idée d’une possible existence de la propriété privée au ciel, mais sous une forme différente de celle connue sur Terre. Il souligne que le paradis ne doit pas être perçu comme une utopie socialiste où la propriété personnelle serait condamnée. Pour lui, détenir des biens n’est pas intrinsèquement un péché et doit être distingué des vices tels que le matérialisme, la cupidité, l’envie et l’égoïsme.
Alcorn justifie l’existence de biens personnels célestes en citant plusieurs passages bibliques : les demeures éternelles promises aux fidèles (Luc 16:9), les trésors accumulés dans les cieux (Matthieu 6:20), ainsi que les récompenses et couronnes attribuées en fonction des actions terrestres (Matthieu 25:14-30).
Il mentionne également l’existence d’un « héritage » céleste (Colossiens 3:24), suggérant quelque chose de tangible appartenant individuellement ou familialement.
Sachant que vous recevrez du Seigneur un héritage pour récompense. [En effet,] le Seigneur que vous servez, c’est Christ.
Colossiens 3 : 24
Concernant la possibilité d’avoir des maisons personnelles au ciel, Alcorn se réfère à la promesse du Christ dans Jean 14:2, évoquant de nombreuses demeures dans la maison du Père.
Il y a beaucoup de demeures dans la maison de mon Père. Si ce n’était pas le cas, je vous l’aurais dit. Je vais vous préparer une place
Jean 14 : 2
Il est important de souligner que ce concept de propriété ne remet pas en cause la souveraineté absolue de Dieu sur toutes choses. Tout ce qui est considéré comme « nôtre » appartient finalement à Dieu, et ce principe semble aussi applicable sur terre qu’au ciel.
#3 La propriété privée : moteur du succès occidental ?
Le capitalisme a prospéré en Occident plus qu’ailleurs, un phénomène qui alimente des débats passionnés. Bien que la réponse soit certainement plus complexe, des auteurs comme Hernando de Soto, dans son ouvrage « Le Mystère du capital », mettent en lumière l’importance cruciale de la protection et de la formalisation de la propriété privée dans le succès des pays de l’Ouest.
« Imaginez un pays où personne ne peut identifier qui possède quoi, où les adresses ne peuvent pas être facilement vérifiées, où les gens ne peuvent pas être contraints de payer leurs dettes, où les ressources ne peuvent pas facilement être converties en argent, où la propriété ne peut pas être divisée en parts, où les descriptions des biens ne sont pas standardisées et ne peuvent pas être facilement comparées, et où les règles qui régissent la propriété varient d’un quartier à l’autre, voire d’une rue à l’autre. Vous venez de vous plonger dans la vie d’un pays pauvre ou d’une ancienne nation communiste »
Cette section s’efforcera de décrypter pourquoi la propriété privée a si profondément marqué l’Occident, un concept simple en apparence mais générateur de richesse et de succès. Hernando de Soto avance six explications à ce phénomène.
Raison #1 : la propriété formelle fixe le potentiel économique des biens
Selon Hernando de Soto, un bien devient du capital lorsqu’il est formalisé et enregistré de manière appropriée. La formalisation consiste à consigner par écrit les attributs pertinents d’un bien, tels que sa valeur et ses droits via des titres, contrats et autres documents juridiques.
Lorsque cette formalisation est effectuée correctement, le bien acquiert une identité juridique claire et devient une source de valeur économique. En Occident, la majorité des biens formels servent de garantie, d’adresse pour la taxation ou le recouvrement, et de repère pour l’accès à des services comme l’électricité, l’eau ou internet.
Dans les pays pauvres, le manque de formalisation rend difficile la valorisation des propriétés, souvent mal documentées ou non protégées juridiquement. Sans cette formalisation, les biens restent informels, limitant leur utilisation comme garantie ou investissement. Cela empêche les propriétaires de valoriser leurs actifs, les maintenant dans la pauvreté et hors de l’économie formelle.
Raison #2 : la propriété formelle centralise les informations
Une autre raison pour laquelle le capitalisme a prospéré en Occident est que la plupart des actifs de l’Ouest ont été centralisés dans un système de représentation formelle, unique et standard.
La formalisation de la propriété a été un processus complexe de regroupement et d’harmonisation d’informations disséminées sur tout le territoire. Ce recensement a abouti à la création d’un registre unique contenant toutes les données et règles régissant la richesse accumulée des citoyens.
En revanche, dans de nombreux pays pauvres, il existe toujours une multitude de régimes juridiques différents et complexes, ce qui rend la consolidation de ces informations beaucoup plus difficile.
Raison #3 : la propriété privée responsabilise les individus
La formalisation de la propriété transforme les propriétaires en individus responsables et identifiés.
La propriété privée motive les individus et entreprises à gérer et optimiser leurs biens pour en maximiser la valeur. Cette responsabilité directe encourage la conservation et l’amélioration des ressources, assurant ainsi leur pérennité et rentabilité.
En revanche, l’absence de propriété privée décourage la responsabilité individuelle envers les biens et les ressources, car les individus n’ont souvent aucun intérêt direct dans leur préservation ou leur amélioration. Sans cette incitation personnelle, la gestion responsable et la conservation peuvent être compromises
De plus, une fois dans un système de propriété formel, l’anonymat disparaît, liant les individus à des biens et entreprises traçables. Cette configuration permet d’identifier et punir les mauvais payeurs, de surveiller les infractions légales et de suspendre des services.
Raison #4 : la propriété rend les biens interchangeables :
La propriété permet de créer des arrangements flexibles avec les biens, de les diviser, de les regrouper ou de les reconfigurer de différentes manières. Par exemple, les copropriétaires d’une usine peuvent céder leur part sans altérer la structure physique de l’usine elle-même. Chacune de ces parts peut être détenue par des individus différents.
De même, dans un pays riche, le fils d’un agriculteur qui souhaite suivre les traces de son père peut conserver la ferme en rachetant les parts de ses frères et sœurs plus orientés vers le commerce. Dans de nombreux pays en développement, les agriculteurs n’ont pas cette option et doivent continuellement diviser leurs terres à chaque génération jusqu’à ce que les parcelles deviennent trop petites pour être exploitées de manière rentable, laissant aux descendants deux alternatives : mourir de faim ou voler.
Raison #5 : la propriété favorise les liens sociaux
En attachant les propriétaires à leurs biens et en rendant les biens interchangeables, la propriété contribue à la création de liens sociaux plus étendus. Cela signifie que les propriétaires de biens immobiliers et d’autres actifs peuvent plus facilement interagir les uns avec les autres sur le plan économique et social.
En effet, lorsque la propriété est formalisée, elle crée une base de données centralisée et fiable qui contient des informations sur les propriétés, les propriétaires et les transactions. Cela facilite la recherche et la connexion avec d’autres propriétaires, ce qui peut être bénéfique pour le commerce, l’investissement, les prêts et d’autres activités économiques.
Raison #6 : la propriété protège les transactions
La formalisation de la propriété offre un cadre transparent qui permet aux parties intéressées de comprendre rapidement les éléments qui influencent une transaction. Elle contribue ainsi à la protection et à la sécurité de ces transactions en facilitant l’évaluation des risques et en fournissant des informations essentielles pour les garanties et les assurances.
Une raison importante pour laquelle le système de propriété formelle occidental fonctionne comme un réseau est que tous les enregistrements de propriété (titres, actes, valeurs mobilières et contrats décrivant les aspects économiquement significatifs des actifs) sont continuellement suivis et protégés au fil du temps et de l’espace.
Les conservateurs des archives publiques protègent et gèrent les fichiers qui contiennent toutes les descriptions économiquement utiles des actifs, qu’il s’agisse de terrains, de bâtiments, de biens mobiliers, de navires, d’industries, de mines ou d’avions. Ces fichiers informeront quiconque souhaite utiliser un actif des éléments qui peuvent restreindre ou améliorer sa réalisation, tels que les charges, les servitudes, les baux, les arriérés, les faillites et les hypothèques.
Conclusion
Bien que peu fréquemment évoquée dans les Écritures, la propriété privée y est traitée de manière plutôt favorable, à travers les enseignements de l’Ancien comme du Nouveau Testament. De nombreux économistes et penseurs soutiennent que la formalisation et la protection de la propriété privée sont des leviers de développement économique.
Au vu de ce qui a été exposé, il semble pertinent pour un chrétien de défendre les principes de la propriété privée et d’exercer une vigilance vis-à-vis des idéologies collectivistes. Cette position dépasse le simple argument économique ; elle incarne une vision du monde qui valorise la liberté individuelle, la responsabilité personnelle et l’intendance.
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